Après l’emballement, que reste-t-il de ces titres numériques de propriété ?


Le tout premier SMS au monde sous forme de NFT, un jour avant sa mise aux enchères, à la maison de ventes Aguttes, à Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine), le 20 décembre 2021.

NFT ? « Le mot est déjà ringard », s’amuse Pierre Pauze, jeune artiste plasticien passé par les Beaux-Arts de Paris et le Fresnoy. Et il sait de quoi il parle : son propre travail a été acquis sous forme de NFT (non-fungible token, un certificat de propriété numérique adossé à la blockchain) par le musée Granet d’Aix-en-Provence, en janvier 2023. A l’époque, il s’agissait d’une première. Quelques mois plus tard, l’artiste numérique semble désabusé.

Lire l’enquête : Article réservé à nos abonnés Le NFT, copyright à l’heure du numérique

« La barrière technologique est trop haute », estime ainsi celui qui s’est essayé à plusieurs projets, accompagné de développeurs confirmés. Les NFT n’ont jamais réellement été adoptés par le grand public et ont été, selon lui, « largement surévalués » comme le nouveau standard du monde de l’art, censés permettre d’assurer une traçabilité aux œuvres numériques et de rémunérer les artistes en collectant des royalties. Les promesses d’émancipation financière pour les artistes sont pour le moment tenues en échec.

Si certaines entreprises, comme Sorare, persistent à construire leur modèle économique sur les NFT, un rapide coup d’œil aux chiffres et aux courbes tend plutôt à montrer que la bulle a déjà éclaté et dévoilent l’asphyxie du marché. Une étude de la plate-forme DappGambl, parue en septembre 2023 et réalisée sur plus de 73 000 collections de NFT, montre ainsi que 95 % d’entre elles ont une valeur nulle, et que quatre collections émises sur cinq n’ont jamais été vendues.

Même des projets emblématiques, comme les collections du Bored Apes Yacht Club (BAYC) et les CryptoPunks, s’échangent à des prix historiquement bas. Si bien que les célébrités semblent bouder leurs NFT : le footballeur Neymar, qui avait déboursé plus de 1 million d’euros en janvier 2022 pour deux Bored Apes (#5269 et #6633), les conserve dans son portefeuille mais ne les affiche plus en photo de profil.

Effet « Vu à la TV »

Car ces « Rolex numériques », selon les mots de Jean-Marie Pailhon, entrepreneur du secteur des technologies, ont depuis perdu la moitié de leur valeur. Un « juste retour des choses », estime ce collectionneur français. Celui qui a réalisé une belle opération financière en en revendant deux exemplaires lors du pic de 2022 concède que le prix de ces collections star était complètement « décorrélé de leur valeur culturelle et esthétique ».

A l’atonie du marché s’ajoute la multiplication des scandales. Aux Etats-Unis, la maison mère à l’origine de la célèbre collection de singes colorés, l’entreprise Yuga Labs, fait face à deux plaintes collectives de la part d’investisseurs dont la valeur de la collection a brutalement chuté. La Securities and Exchange Commission, le gendarme des marchés américains, vient de condamner sévèrement l’actrice Mila Kunis et son projet de NFT baptisé Stoner Cat, qui devait servir à financer une série avec son mari, l’acteur Ashton Kutcher, en considérant qu’elle a enfreint la régulation sur les actifs financiers. Et en France, une récente enquête a mis en évidence le rôle trouble de l’acteur Kev Adams dans un projet similaire. Les pertes enregistrées par les personnes ayant acheté les NFT liés à ce dernier dépassent le million d’euros.

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